L’impact des pandémies passées sur l’évolution humaine : Une étude archéogénomique des victimes de la peste noire

Caractéristiques

Responsable scientifique E. Patin
Organisme de rattachement CNRS & Institut Pasteur
Laboratoire / Lieu Génomique évolutive, modélisation et santé, Paris
Année de dépôt 2024
Type de projet Données uniquement

Contexte

Malgré leur impact profond sur notre société et notre santé, on sait peu de choses sur les pandémies passées et les causes de leur mortalité exceptionnelle. Les interactions hôte-pathogène ont une importance primordiale dans l’émergence des maladies infectieuses, mais le rôle respectif de facteurs de virulence microbienne et de susceptibilité de l’hôte dans les épidémies passées reste encore mal défini, limitant la prévention des épidémies actuelles. La peste noire, causée par la bactérie Yersinia pestis, a été une des pandémies la plus meurtrières de l’histoire de l’Europe, entrainant la mort de 30–60% de sa population entre 1347 et 1352. Plusieurs facteurs ont été suggérés pour expliquer cette mortalité catastrophique, tels que des facteurs de virulence bactérienne et une expansion du vecteur de la peste, mais les études archéologiques ne soutiennent aucune de ces hypothèses.

Objectifs

Ce projet suppose que la mortalité massive de la peste noire a plutôt été due à la susceptibilité de la population médiévale européenne à l’infection par Y. pestis. Il émet également l’hypothèse que la résistance génétique à la peste a été sous sélection positive en Europe depuis la pandémie, entraînant des différences de prévalence de maladies immunitaires entre populations humaines actuelles.

Méthodes

Afin de tester ces hypothèses, nous tirerons avantage des derniers développements méthodologiques en archéogénomique et en archéo-anthropologie pour conduire une étude épidémiologique détaillée de la peste noire, sur la base de données archéologiques. Nous obtiendrons 200 génomes entiers de victimes présumées de la peste noire et de contrôles issus de la population médiévale postérieure à l’épidémie, et estimerons dans tous ces individus leur sexe, âge, conditions de santé et statut socio-économique, à partir de marqueurs archéo-anthropologiques et génétiques. L’étude d’association en génome entier de la peste noire, combinée avec les données démographiques inférées, permettra d’identifier les facteurs génétiques et non-génétiques qui ont affecté la susceptibilité de l’homme à l’infection par Y. pestis au cours du Moyen-âge. Afin de tester notre deuxième hypothèse, nous prévoyons de comparer les génomes anciens des victimes de la peste noire avec ceux de la population française actuelle issus du projet POPGEN, et chercherons des preuves directes de la sélection naturelle due à la peste noire. Nous testerons également si le risque génétique à la pestea diminué depuis le Moyen-âge et corrèle avec le risque génétique à différentes maladies inflammatoires chroniques, ce qui prouverait que la sélection naturelle par la peste noire a augmenté la prévalence de maladies immunitaires en Europe.

Perspectives

Ce projet déterminera, pour la première fois, si les conditions de santé et la susceptibilité génétique de la population médiévale européenne ont contribué à la mortalité exceptionnelle de la pandémie de peste, ce qui pourrait améliorer les connaissances épidémiologiques nécessaires à la prédiction des épidémies futures. De plus, il identifiera les gènes et fonctions biologiques associées à l’infection par Y. pestis, facilitant ainsi la prévention de la peste dans un contexte de réémergence. L’étude évaluera également de nouveaux marqueurs génétiques et anthropologiques de la santé, utiles pour de futures recherches sur les pandémies passées. Enfin, une carte génomique détaillée des gènes ayant évolué rapidement depuis le Moyen Âge en Europe sera réalisée, apportant des éclairages précieux sur les mécanismes de coévolution hôte-pathogènes et leurs effets sur la santé humaine.

Informations réglementaires

Responsable de traitement

Démarches réglementaires en cours ou à venir.