
La pollution de l’air affecterait nos capacités intellectuelles
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Les volontaires de Constances les plus exposés aux polluants atmosphériques ont des performances plus faibles pour retrouver des mots en suivant une consigne et pour prendre des décisions. Ces résultats ont été publiés le 10 mars 2022 dans The Lancet Planetary Health.
C’est dorénavant bien établi. La pollution de l’air a des effets néfastes sur notre santé en interagissant sur de nombreux organes : nez, poumons, cœur… Mais qu’en est-il sur notre cerveau ? Pour y répondre, des chercheurs se sont intéressés aux effets de 3 polluants atmosphériques sur les capacités intellectuelles des volontaires de Constances âgés de 45 ans et plus. Pourquoi 45 ans et plus ? Car lors des bilans d’inclusion dans les centres d’examens de santé, il est proposé à tous les participants de cette tranche d’âge de réaliser un bilan cognitif et fonctionnel comprenant des tests portant sur la mémoire, des exercices physiques ou des tests de raisonnement, sous la supervision de neuropsychologues formés et rémunérés par la cohorte.
Croiser capacité intellectuelle et exposition aux polluants du trafic routier
Pour estimer l’exposition de chaque participant à la pollution, les chercheurs ont utilisé des cartes dites « d’exposition » qui permettent d’estimer la concentration annuelle de polluants à l’adresse résidentielle de chaque volontaire. Basées sur des mesures de qualité de l’air et des modèles statistiques, ces cartes réalisées par l’Institut tropical et de santé publique suisse (Swiss TPH) ont une précision spatiale de 100 m sur 100 m. Les chercheurs se sont intéressés à trois polluants atmosphériques : les particules fines de diamètre inférieur ou égal à 2,5 microns (PM2,5), le dioxyde d’azote (NO2) et le carbone suie, appelé « black carbon » en anglais.
« En croisant les résultats des tests cognitifs avec le niveau d’exposition individuelle aux 3 polluants atmosphériques déterminé par les cartes d’exposition, nous avons montré que l’exposition à de plus hautes concentrations de ces polluants est associée significativement à un plus bas niveau de performances pour les fonctions exécutives et la fluence verbale (la capacité à retrouver des mots en suivant une consigne) » indique Bénédicte Jacquemin, chercheuse à l’IRSET et co-auteure de l’étude publiée le 10 mars 2022 dans Lancet Planetary Health.

La pollution atmosphérique, un facteur de risque modifiable
Pour les participants les plus exposés, les chercheurs ont trouvé une différence individuelle allant de 1 à 5 % de moins bon score par rapport aux participants les moins exposés. « Ces résultats sont importants, car ils mettent en évidence, dans une grande population avec des données d’exposition et de santé précises, une association avec un facteur de risque modifiable, la pollution atmosphérique, et de moins bonnes performances cognitives. Les pourcentages peuvent paraître faibles. Au niveau individuel, ils le sont. Mais au niveau d’une population, l’impact est important, surtout si l’on considère que pratiquement tout le monde en France est exposé à des niveaux de pollution au-delà des valeurs guide de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) » explique Bénédicte Jacquemin.
Grâce aux bilans régulièrement réalisés par les volontaires, les chercheurs vont maintenant regarder si l’exposition à la pollution atmosphérique est aussi associée à une baisse du fonctionnement cognitif différentielle en fonction du niveau d’exposition et du temps. Ils vont aussi exploiter les informations des calendriers résidentiels qui leur permettront d’étudier les effets d’une exposition à la pollution des années avant la réalisation des tests. C’est essentiel car, pour de nombreuses maladies, les effets des facteurs de risque ont souvent lieu après des années d’exposition. La question qui se pose est : « Est-ce que la pollution est un facteur de risque de la survenue de démence neurodégénérative comme la maladie d’Alzheimer ? »

Comment expliquer l’effet des polluants sur notre cerveau ?
« Plusieurs hypothèses sont envisagées à partir de résultats d’études menées chez l’animal. Pour les particules fines, il pourrait exister une voie directe via le nerf olfactif qui va du nez vers une petite zone du cerveau, le bulbe olfactif. Une autre voie est celle des poumons. En s’introduisant plus ou moins loin dans les poumons, les polluants induiraient la production de protéines de l’inflammation qui peuvent passer la barrière hémato-encéphalique qui protège notre cerveau et y entraîner des phénomènes inflammatoires. On s’interroge enfin sur un passage des particules fines par le sang, puisque l’on retrouve des polluants jusque dans les petits vaisseaux cérébraux » explique Claudine Berr, épidémiologiste à l’Institut des neurosciences de Montpellier qui a participé à l’étude ci-dessus présentée.
Référence bibliographique :
Zare Sakhvidi et al. Outdoor air pollution exposure and cognitive performance: findings from the enrolment phase of the CONSTANCES cohort. Lancet Planetary Health, March, 2022.
Communiqué de presse de l’Inserm :
Être exposé à la pollution atmosphérique augmenterait le risque d’avoir de moins bonnes performances cognitives