Grossesses non prévues et santé mentale des femmes

20 %, c’est le pourcentage de grossesses non prévues par les mères participantes de Constances. Pour les répondantes dans cette situation, le risque de symptômes dépressifs après la naissance est comparable à celui des femmes avec des grossesses désirées. Ces résultats inédits sont publiés dans la revue Social Science & Medicine.

Test positif… Un bébé ? Ce n’était pourtant pas prévu… Ou pas tout de suite ! Même en France, où la contraception est largement utilisée, les naissances non prévues sont relativement courantes. Diverses études ont montré que ces naissances peuvent avoir des conséquences négatives sur la santé mentale des mères pendant ou après la grossesse. Cependant, ces études reposent en grande majorité sur des déclarations a posteriori. « On demande aux femmes si leur enfant était désiré ou pas. Mais, une fois que l’enfant est là, c’est parfois difficile de dire qu’il ou elle était non prévu » indique Anne Solaz, chercheuse à l’Institut national d’études démographiques (Ined). 

Questionnaires de suivi annuels

Les données Constances ont permis de contourner cet écueil. En effet, le questionnaire à l’inclusion « Santé des femmes » comporte une question sur le souhait d’avoir une de grossesse (voir extrait ci-dessous). 

Trois chercheuses de l’Ined ont exploré les réponses apportées par 46 608 femmes âgées de moins de 45 ans lors de leur intégration dans la cohorte entre 2012 et 2019. Parmi ces femmes, plus de 2 800 ont déclaré une grossesse dans les 2 ans suivant leur inclusion dans la cohorte.

Près de 20 % de ces grossesses n’était pas prévues, c’est-à-dire soit non souhaitées (réponse numérotée 5 dans l’extrait ci-dessus), soit envisagées dans plus de 2 ans (réponse numérotée 4). « Ce pourcentage est plus élevé que celui de 12 % estimé en France à partir des réponses des mères après la naissance. Mais, ce qui nous a surtout surpris, c’est que ce sont les femmes de plus de 40 ans qui sont le plus concernées par ces grossesses non prévues, relativement bien sûr au nombre de grossesses de cette tranche d’âge » indique Ariane Pailhé, également chercheuse à l’Ined.

Impact sur la santé mentale

Les chercheuses ont ensuite regardé s’il existait des différences de risque de symptômes dépressifs pour les mères avec des grossesses désirées et les mères avec des grossesses non prévues. Cette comparaison reposait sur les réponses des volontaires à un ensemble de 20 questions proposées régulièrement dans le questionnaire de suivi annuel, telles que : « J’ai eu des crises de larmes », « J’ai eu du mal à me concentrer sur ce que je faisais »….

Aucune différence significative de risque de symptômes dépressifs n’a été décelée entre les mères ayant eu une grossesse désirée et les mères avec des grossesses non prévues, l’année de la naissance mais aussi durant les 3 années suivantes (voir figure ci-dessous).

« Juste après la naissance, la santé mentale des femmes est semblable à celles des femmes avec une grossesse désirée, avec un risque environ de 30 % d’avoir des symptômes dépressifs. Pour les femmes concernées par des grossesses non prévues, on peut toutefois noter que leur risque de symptômes dépressifs était déjà élevé l’année précédant la naissance, alors qu’il était moindre pour les femmes ayant une grossesse désirée (17 %) » indique Anna Barbuscia, chercheuse postdoctorale lors de l’étude, aujourd’hui chercheuse en Espagne.

Pour réaliser ces analyses statistiques, les chercheuses ont intégré les variables connues pour influencer la santé mentale à savoir : les caractéristiques socio-économiques défavorables, le niveau d’éducation… « Cela permet d’isoler ces effets. C’est une force des données de la cohorte Constances » précise Anne Solaz.

A noter que ces résultats ont été retrouvés dans le cas où seules les naissances un an après l’inclusion dans la cohorte ont été considérées. Cette restriction permet d’exclure les cas où les intentions de fécondité aient pu changer, par exemple suite à la rencontre d’un partenaire.

Actuellement, l’étude se poursuit sur de nouveaux angles : les grossesses non prévues ont-elles ou non un effet sur les parcours professionnels et la stabilité des couples ?

 

Référence bibliographique

Anna Barbuscia, Ariane Pailhé, Anne Solaz. Unplanned births and their effects on maternal Health: Findings from the Constances Cohort. Social Science & Medicine, Volume 361, November 2024. DOI: https://doi.org/10.1016/j.socscimed.2024.117350.