Bruit à l’école : quel retentissement sur la santé des enseignants ?

D’après les données Constances, un enseignant sur 3 est exposé à un bruit élevé dans sa classe et même près d’1 sur 2 dans les écoles maternelles et élémentaires. Cette exposition est associée à une moins bonne santé perçue et à davantage de symptômes dépressifs. Ces liens sont d’autant plus importants parmi les enseignants également confrontés à des situations de stress au travail. Publiés dans la revue Noise & Health, ces résultats sont en ligne depuis le 30 décembre 2024.

Quelle est l’exposition à un bruit élevé des enseignantes et enseignants dans les classes en France ? Cette exposition a-t-elle des impacts sur leur santé ? Ces questions ont rarement été investiguées dans notre pays. Or, il est connu que l’exposition au bruit, au-delà de la perte auditive pour des niveaux de bruit élevés, peut avoir des effets négatifs sur la santé physique et mentale.

« Cela faisait longtemps que nous avions envie d’explorer cette question du bruit à l’école du point de vue de la santé des enseignants, un sujet trop peu documenté à ce jour. Constances nous a permis de le faire grâce à la richesse de ses données et à la grande taille de son échantillon d’enseignants participant, qui est d’ailleurs assez bien représentatif des personnels au niveau national » indique Marie-Noël Vercambre-Jacquot, chercheure épidémiologiste à la Fondation MGEN pour la santé publique et responsable du projet Etude santé-travail dans les secteurs éducation et recherche au sein duquel l’étude a été réalisée.

15 000 enseignants dans Constances 

La cohorte Constances comporte en effet un total de 15 184 enseignants. Pour cette étude, l’équipe de scientifiques s’est intéressée aux 13 800 enseignants pour lesquelles toutes les données d’intérêt étaient disponibles : 5 200 exerçant dans le primaire (écoles maternelles et élémentaires), 6 900 exerçant dans le secondaire (collèges et lycées) et 1 700 dans le supérieur (universités, écoles post-bac…).

L’équipe a comparé ces participants à un groupe de 34 300 volontaires tirés au sort parmi les actifs non-enseignants de Constances et composé de plus de 3 200 ouvriers, 9 900 employés, 8 800 salariés de professions intermédiaires et 12 400 cadres et salariés de professions intellectuelles supérieures.

Près d’un enseignant sur 2 exposé au bruit en primaire

L’exposition au bruit a été évaluée par les réponses apportées par les volontaires à une question du questionnaire « expositions professionnelles » leur demandant si l’ambiance au travail nécessitait parfois d’élever la voix pour parler à une personne située à moins de 2 ou 3 m de distance.

« Des études précédentes ont montré que cette situation correspond à un niveau sonore d’environ 80 décibels (dBA), niveau qui n’est pas anodin surtout sur le long-terme » souligne Sofia Temam, chercheure épidémiologiste à la Fondation d’entreprise MGEN pour la santé publique et première auteure de l’article publié dans la revue Noise & Health.

Résultats ? Tous niveaux d’enseignement confondus, 34 % des enseignants de la cohorte sont exposés à un bruit élevé, contre 14 % pour les volontaires occupant d’autres métiers. Ce sont les enseignants du primaire qui sont les plus exposés : 43 % d’entre eux sont amenés à élever la voix dans le cadre de leur travail, autant que les volontaires occupant des métiers d’ouvriers/ouvrières.

« On ne pensait pas mettre à jour une problématique du bruit aussi répandue dans l’enseignement »

Marie-Noël Vercambre-Jacquot

Répercussions sur la santé

Ces expositions au bruit ont ensuite été croisées avec les données mesurant leur santé perçue et leurs symptômes dépressifs. Il est apparu que les enseignants exposés à un bruit élevé ont une moins bonne perception de leur santé et davantage de symptômes dépressifs que les enseignants non exposés, et ce d’autant plus s’ils sont également confrontés au travail à des relations tendues avec le public.

« Ces relations mettent en lumière comment le contexte de travail peut être également déterminant dans l’impact que peut avoir le bruit sur la santé perçue, ou les symptômes dépressifs. Notamment, un environnement stressant ou tendu pourrait décupler l’effet délétère du bruit. Cette étude appelle à davantage d’attention au niveau sonore dans les classes, mais aussi au climat général à l’école » explique Sofia Temam.

Des études longitudinales doivent être entreprises pour renforcer les associations mises à jour. Ces résultats invitent aussi à regarder les répercussions possibles du bruit dans les classes sur des troubles de la voix ou des pertes auditives chez les enseignantes et enseignants. Ce dernier sujet est en train d’être exploré grâce aux audiogrammes réalisés par les volontaires lors des bilans réalisés dans les Centres d’examens de santé.

Références bibliographiques

Sofia Temam, Nathalie Billaudeau, Sofiane Kab, Marie Zins & Marie-Noël Vercambre. Occupational noise, work-related stress, and teachers’ health in the French CONSTANCES study. Noise & Health. 2024. DOI: 10.4103/nah.nah_10_24

Justine Wenta, Nathalie Billaudeau, Sofiane Kab, Marie Zins & Marie-Noël Vercambre. Mesures préventives appliquées par les enseignantes et enseignants en France durant la pandémie de Covid-19, en comparaison aux autres salariés dans la cohorte Constances. Bulletin épidémiologique hebdomadaire. 2024.

Mélèa Saïd, Sofia Temam, Stephanie Alexander, Nathalie Billaudeau, Marie Zins, Sofiane Kab & Marie-Noël Vercambre. Teachers’ Health: How General, Mental and Functional Health Indicators Compare to Other Employees? A Large French Population-Based Study. International Journal of Environmental Research and Public Health. 2022. DOI:10.3390/ijerph191811724

Sofia Temam, Nathalie Billaudeau, Sofiane Kab, Marie Zins, Stéphanie Alexander & Marie-Noël Vercambre. Health behaviours of teachers and other education professionals in France: can we do better? Health Promotion International. 2022. DOI: 10.1093/heapro/daab151